Luigi Russolo



Présentation

Chronologie

Le rôle de Luigi Russolo



(Portogruaro, 1886 - Cerro di Laveno, 1947)
Peintre et compositeur italien.






Texte de Franco Maffina pour le dictionnaire du Futuriste

Luigi Russolo est né dans une famille de musiciens : son père Domenico est organiste à la cathédrale de Portogruaro et directeur de la Schola Cantorum de Latisana. Ses frères aînés Giovanni et Antonio obtiendront leur diplôme de violon et orgue, et de piano et orgue, au conservatoire Giuseppe-Verdi de Milan.

Après un fugitif intérêt pour la musique, Luigi Russolo opte pour la peinture et la gravure. En 1909, il participe à l'exposition annuelle Bianco e Nero, à la Famiglia Artistica de Milan, avec une série d'eaux-fortes d'inspiration symboliste. A cette occasion, il rencontre Boccioni avec qui il se lie d'une profonde amitié. Ses travaux s'inspireront dorénavant de l'oeuvre graphique de Boccioni, caractérisée par les thèmes de la mère et des paysages de périphéries industrielles.

En février 1910, avec Boccioni, Bonzagni, Camona, Carrà, Erba, Martelli et Romani, il rencontre Marinetti et rejoint le mouvement futuriste. Il signe le Manifeste des peintres futuristes (11 février 1910) et le Manifeste technique de la peinture futuriste (11 avril 1910) et participe à toutes les soirées futuristes, ainsi qu'aux expositions organisées en Italie et à l'étranger. Parmi les oeuvres picturales de cette période, citons : Autoritratto con teschi (Autoportrait avec crânes, 1909-1910) ; Profumo (Parfum, 1910) ; Periferia-Lavoro, (Périphérie- Travail, 1910) ; Chioma (Chevelure, 1910); Lampi (Éclairs, 1910); La Rivolta (La Révolte, 1911) ; La Musica (La Musique, 1911 ) ; Ricordi di una notte (Souvenirs d'une nuit, 1911) ; solidità della nebbia (Solidité de la brume, 1912) ; Maison + Lumière + Ciel (1912-1913) ; Dinamismo di un'automobile (Dynamisme d'une automobile, 1912-1913) ; Autoritratto futurista (Autoportrait futuriste, 1912-1913) ; sintesi plastica dei movimenti di una donna (synthèse plastique des mouvements d'une femme, 1913) ; Volumi dinamici (Volumes dynamiques, 1913) ; Impressioni di Bombardamento, shrapnels e granate (Impressions de bombardement, shrapnels et grenades, 1916).
Les oeuvres suivantes, quant à elles, sont aujourd'hui perdues: Nietzsche (1910); Treno in corsa nella notte (Train en course dans la nuit, 1910) ; Uomo che muore (Homme qui meurt, 1911) ; Una, tre teste (Une, trois têtes, 1912) ; Linee-forze di una folgore (Lignes de force d'une foudre, 1913) ; Io dinamico (Moi dynamique, 1913).

Le 11 mars 1913, Luigi Russolo public son manifeste L'Art des bruits, qu'il dédie à Pratella et où il présente ses théories sur l'utilisation du son-bruit. Peu après, il réalise avec Ugo Piatti une série d'intonarumori, machines sonores spectaculaires conçues pour créer et modifier les sons-bruits dans leur intensité, anticipant les expérimentations sonores qui aboutiront, au lendemain de la seconde guerre mondiale, à la musique concrète de Schaeffer et à la musique électronique.

C'est à partir de ce moment que Russolo abandonne son activité picturale pour se consacrer totalement aux problèmes musicaux.
Le 2 juin 1913, au cours d'une soirée futuriste au théâtre Storchi de Modène, Russolo présente au public un éclateur ; le 11 août, un groupe de correspondants de presse étrangers, réunis chez Marinetti à Milan, peuvent voit quinze intonarumori. Le 1er mars 1914, il publie dans Lacerba un article intitulé Grafia enarmonica per gli intonarumoni futuristi (Notation enharmonique pour les intonarumori futuristes), introduisant un nouveau type de notation musicale encore actuellement utilisé par les compositeurs de musique électronique.

Le 21 avril 1914, il débute au Teatro Dal Verme de Milan, dirigeant le premier Grand Concert futuriste pour dix-huit intonarumori, lesquels sont subdivisés en glouglouteurs, crépiteurs, hurleurs, tonneurs, éclareurs, siffleurs, bourdonneurs et froisseurs. Au cours de la soirée, sont exécutées trois compositions de Russolo : Risveglio di una città (Réveil d'une ville), Si pranza sulla terrazza del Kursaal ( On déjeune sur la terrasse du Kursaal) et Convegno di automobili e aereoplani (Congrès d'automobiles et d'avions). Le concert se déroule parmi les sifflements, les hurlements et le lancement de divers projectiles végétaux. Entre les spectateurs et les futuristes éclate une violente bagarre que la police finit par interrompre. Russolo renouvelle son concert au Politeama de Gênes ; il donne encore douze représentations en juin, au Colosseum de Londres, et fait la connaissance de Stravinski à cette occasion.
Le début de la première guerre mondiale rompt les relations que Russolo entretenait avec l'étranger. Il s'engage dans le bataillon des volontaires cyclistes lombards et est nommé lieutenant du 5e bataillon alpin Brenta. En septembre 1916, son livre L'Art des bruits sort aux éditions futuristes Poesia. Le 17 décembre 1917, Russolo est grièvement blessé à Malga Camerona et passe dix-huit mois dans divers hôpitaux. Le 4 septembre 1920, on joue L'Aviatore Dro (L'Aviateur Dro) de Pratella, au théâtre Rossini de Lugo ; mais contrairement à ce qui est indiqué sur la partition, les intonarumori sont remplacés par le bruit d'une motocyclette et d'une sirène d'usine.

En juin 1921, Russolo est à Paris pour trois concerts au théâtre des Champs-Elysées. On exécute des oeuvres de Fiorda, puis de Russolo, en utilisant vingt-sept intonarumori insérés dans un complexe orchestral. Le programme est dirigé par son frère Antonio qui, bien que n'ayant jamais adhéré au futurisme, a écrit plusieurs oeuvres pour le mouvement. A la première du concert (troublé en partie par la cohue organisée à l'instigation d'un groupe dadaïste dirigé par Tzara) on peut remarquer dans l'assistante : Stravinski, Ravel (enthousiaste), Diaghilev, Auric, Durey, Honegger, Milhaud, Poulenc, Taillefer, Casella, De Falla, Kahan, Claudel, Mondrian, etc. Ce dernier consacrera d'ailleurs un long article aux intonarumori dans la revue De Stijl.
En 1922, la pièce de Marinetti, il Tamburo di fuoco (Le Tambour de feu), est représentée dans plusieurs théâtres italiens, ainsi qu'à Prague, avec des intermèdes musicaux de Pratella et un fond sonore d'intonarumori.
Dès 1923, Russolo se met à la construction d'une série de romorarmoni, sorte d'harmonium qui reproduit les sonorités basses des intonarumori. En 1925, il dépose un brevet pour un archet enharmonique et donne un concert à Milan avec sa nouvelle invention, exécutant des musiques de Casavola et de son frère Antonio. Mais l'avènement du fascisme et son refus d'y adhérer excluera rapidement Russolo de l'activité que les futuristes développent durant cette période. Ceux-ci se tournent vers des musiciens comme Pratella (qui va quitter peu à peu le mouvement), Casavola ou le jeune Silvio Mix. La mort prématurée et imprévue de Mix sera toutefois l'occasion d'un rapprochement entre les futuristes et Russolo par l'intermédiaire de Prampolini.
Le critique cinématographique Deslaw se souvient qu'à ce moment on tourna trois courts métrages : Futuristi a Parigi (Futuristes à Paris) pour lequel Russolo écrivit la musique et apparaissait comme acteur avec Marinetti ; La Marche des machines, encore avec une musique de Russolo ; et Montparnasse où jouaient Marinetti, Russolo et Prampolini. Toutefois, l'apparition du film sonore rendit vaine une des possibilités d'utilisation de ses instruments. Russolo, découragé, abandonne la musique, non sans avoir breveté auparavant son piano enharmonique dont il construisit un modèle d'un octave (le seul témoignage original de ses instruments qui nous soit parvenu). Le 28 décembre 1929, Russolo donne son dernier concert public, présenté par Varèse, au cours du vernissage d'une exposition de peintres futuristes à la Galerie 23, à Paris. Lors de son séjour parisien, il rencontre un Italien amateur de sciences occultes qui l'amène à s'intéresser à cette discipline et aux philosophies orientales.

G. Franco Maffina
Directeur de la Fondation Russolo-Pratella




Maison de Russolo à Cerro di laveno