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C'est à partir de ce moment que Russolo abandonne
son activité picturale pour se consacrer totalement aux problèmes musicaux.
Le 2 juin 1913, au cours d'une soirée futuriste au théâtre Storchi
de Modène, Russolo présente au public un éclateur ; le 11 août,
un groupe de correspondants de presse étrangers, réunis chez Marinetti
à Milan, peuvent voit quinze intonarumori. Le 1er mars 1914, il publie dans
Lacerba un article intitulé Grafia enarmonica per gli intonarumoni futuristi
(Notation enharmonique pour les intonarumori futuristes), introduisant un nouveau
type de notation musicale encore actuellement utilisé par les compositeurs
de musique électronique.
Le 21 avril 1914, il débute au Teatro Dal Verme de
Milan, dirigeant le premier Grand Concert futuriste pour dix-huit intonarumori, lesquels
sont subdivisés en glouglouteurs, crépiteurs, hurleurs, tonneurs, éclareurs,
siffleurs, bourdonneurs et froisseurs. Au cours de la soirée, sont exécutées
trois compositions de Russolo : Risveglio di una città (Réveil d'une
ville), Si pranza sulla terrazza del Kursaal ( On déjeune sur la terrasse
du Kursaal) et Convegno di automobili e aereoplani (Congrès d'automobiles
et d'avions). Le concert se déroule parmi les sifflements, les hurlements
et le lancement de divers projectiles végétaux. Entre les spectateurs
et les futuristes éclate une violente bagarre que la police finit par interrompre.
Russolo renouvelle son concert au Politeama de Gênes ; il donne
encore douze représentations en juin, au Colosseum de Londres, et fait la
connaissance de Stravinski à cette occasion.
Le début de la première guerre mondiale rompt les relations que Russolo
entretenait avec l'étranger. Il s'engage dans le bataillon des volontaires
cyclistes lombards et est nommé lieutenant du 5e bataillon alpin Brenta. En
septembre 1916, son livre L'Art des bruits sort aux éditions futuristes Poesia.
Le 17 décembre 1917, Russolo est grièvement blessé à
Malga Camerona et passe dix-huit mois dans divers hôpitaux. Le 4 septembre
1920, on joue L'Aviatore Dro (L'Aviateur Dro) de Pratella, au théâtre
Rossini de Lugo ; mais contrairement à ce qui est indiqué sur la partition,
les intonarumori sont remplacés par le bruit d'une motocyclette et d'une sirène
d'usine.
En juin 1921, Russolo est à Paris pour trois concerts
au théâtre des Champs-Elysées. On exécute des oeuvres
de Fiorda, puis de Russolo, en utilisant vingt-sept intonarumori insérés
dans un complexe orchestral. Le programme est dirigé par son frère
Antonio qui, bien que n'ayant jamais adhéré au futurisme, a écrit
plusieurs oeuvres pour le mouvement. A la première du concert (troublé
en partie par la cohue organisée à l'instigation d'un groupe dadaïste
dirigé par Tzara) on peut remarquer dans l'assistante : Stravinski, Ravel
(enthousiaste), Diaghilev, Auric, Durey, Honegger, Milhaud, Poulenc, Taillefer, Casella,
De Falla, Kahan, Claudel, Mondrian, etc. Ce dernier consacrera d'ailleurs un long
article aux intonarumori dans la revue De Stijl.
En 1922, la pièce de Marinetti, il Tamburo di fuoco (Le Tambour de feu), est
représentée dans plusieurs théâtres italiens, ainsi qu'à
Prague, avec des intermèdes musicaux de Pratella et un fond sonore d'intonarumori.
Dès 1923, Russolo se met à la construction d'une série de romorarmoni,
sorte d'harmonium qui reproduit les sonorités basses des intonarumori. En
1925, il dépose un brevet pour un archet enharmonique et donne un concert
à Milan avec sa nouvelle invention, exécutant des musiques de Casavola
et de son frère Antonio. Mais l'avènement du fascisme et son refus
d'y adhérer excluera rapidement Russolo de l'activité que les futuristes
développent durant cette période. Ceux-ci se tournent vers des musiciens
comme Pratella (qui va quitter peu à peu le mouvement), Casavola ou le jeune
Silvio Mix. La mort prématurée et imprévue de Mix sera toutefois
l'occasion d'un rapprochement entre les futuristes et Russolo par l'intermédiaire
de Prampolini.
Le critique cinématographique Deslaw se souvient qu'à ce
moment on tourna trois courts métrages : Futuristi a Parigi (Futuristes à
Paris) pour lequel Russolo écrivit la musique et apparaissait comme acteur
avec Marinetti ; La Marche des machines, encore avec une musique de Russolo ; et
Montparnasse où jouaient Marinetti, Russolo et Prampolini. Toutefois, l'apparition
du film sonore rendit vaine une des possibilités d'utilisation de ses instruments.
Russolo, découragé, abandonne la musique, non sans avoir breveté
auparavant son piano enharmonique dont il construisit un modèle d'un octave
(le seul témoignage original de ses instruments qui nous soit parvenu). Le
28 décembre 1929, Russolo donne son dernier concert public, présenté
par Varèse, au cours du vernissage d'une exposition de peintres futuristes
à la Galerie 23, à Paris. Lors de son séjour parisien, il rencontre
un Italien amateur de sciences occultes qui l'amène à s'intéresser
à cette discipline et aux philosophies orientales.
G. Franco Maffina
Directeur de la Fondation Russolo-Pratella
Maison de Russolo à Cerro di laveno